Hommage i si chrif Tebani
Le visage serein et les yeux rêveurs, derrière des lunettes d’intellectuel, renseignent sur l’humilité et la simplicité de cet instituteur, il était comme dans les romans de Feraoun « l’instituteur du village », lui qui a marqué toute une génération par sa manière simple mais efficace de transmettre le savoir. Lui qui enseignait à des classes de multi-niveaux :la rangée des forts, celle des moyens et celles des débutants.
Il a marqué une époque où beaucoup de nostalgiques, comme moi, la regrette. Il était le guide de nos prières, il nous donnait la bénédiction dans notre dure vie de montagnard, partageait notre bonheur (mariages) ou atténuait notre malheur (djanaza) ,.
Il nous transmettait la tradition, lui qui était le protecteur de notre arbre généalogique, il nous parlait d’une religion belle et tolérante.
Il était parmi nous, l’instituteur du fils du pauvre sur des collines oubliées d’ath abdelmouméne.
Un village qui a donné naissance à Terbouche mourad, Mhamed n’ali, Sadia teguemount, si Tahar afremli, L'hadj Aissa, Amar Terrak et bien d’autres et chacun à son niveau mais des hommes et des femmes modestes devenus malgré eux ,des symboles de son histoire .
Il faisait partie des instituteurs de cette époque, qui nous transmettaient plus qu’un savoir : Une éducation.
C’était l’époque de Khoya Chrif,Chikh mhamed, Chikh Yidir , Chikh Ighil, Chikh Messas, Chikh Mekhlouf, chikh Chavan, Chikh mekhlouf Ramdan, Chikh Metef, Chikh Mustapha, Chikh Maksi, Chikh Amar n’ cherfa, Chikh Youcef , Chikh Mekhlouf ath ali, Chikh Ahmed, Chikh mouloud, pour ne citer que ceux que j’ai eu comme instituteurs et à qui je rend Hommage .
Une époque où l’instituteur avait sa place dans la djemaa, respecté et considéré parce que de lui dépendait l’avenir de ces semblables.
Ils nous ont appris, Consciemment ou non, à rester ce que nous sommes, humbles quelque soit la hauteur de notre imparfaite achèvement et généreux devant l’étendue de notre richesse matérielle ou intellectuelle.
Ils nous ont appris à considérer la misère comme une chance et non pas un obstacle pour mieux s’instruire, à ne pas avoir honte de notre pauvreté mais bien de notre ignorance, à ne pas avoir peur de nos propres vertiges.
Ils nous ont même appris à faire la nuance entre celui qui est instruit et celui qui est éduqué « el Fahem ou el qari » et que l’un n’est pas nécessairement l’autre.
C’est avec la poésie de « j’aime l’âne si doux » et de « la cigale et la fourmi », avec des textes de « Fouroulou » et de « Mouloud Mammeri » qu’on a pu accepter l’exile du corps mais non celui du cœur : Ne jamais renier nos origines, savoir d’où on vient et tenir à l’odeur de cette terre qui nous a vu naître.
Je me souviens de la dernière fois que je l’ai revu après des années, de retour des champs et accompagnait son âne et ses chèvres, il m’a reconnu en disant « Ah, c’est notre Madjid » .
à ce moment précis, entre l’élan de sa spontanéité, et ces bras qui me serraient j’ai sentie tous le poids de ce « Madjid negh », et j’ai eu un pincement au cœur.
J’étais fière et content d’appartenir à ce village.
Repose en paix à khoya Chrif.
Madjid Teklal Bruxelles (3 avril 2010)
Photos: Merzouk Smaani(Canada) et Madjid Teklal (Bruxelles- Belgique)
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